En octobre 1989, il est devenu clair même
pour les tenants de la ligne la plus dure à la tête du SED que
leur autorité est remise en cause.
Alors que la RDA fête
ses quarante ans d'existence, les citoyens haussent le ton dans des
manifestations insurrectionnelles. L’exemple de Gorbatchev,
qui est en train de liquider le Socialisme à l’Est, les motive
puissamment. Un autre exemple attire les radicaux du SED, le rétablissement
de l’Ordre socialiste suivant l’exemple de la Place Tien-An-men
à Pékin, où l’on écoutait aussi les voix jumelles de la
trahison gorbatchévienne et de la subversion occidentale. Malgré
les recommandations du chef du Kremlin, la direction du SED fait
donc la sourde oreille et envisage de mater ce mouvement.
Le 9 octobre, la
tension est à son comble. À Leipzig, où 70 000 manifestants se
sont réunis dans les églises, on s'achemine vers un scénario à
la Tien-An-Men. Les opposants pro-occidentaux exigent d'aller
toujours plus loin dans les réformes et scandent le nom de
Gorbatchev. Or, rien ne se passe ; la protestation continue. Que
s'est-il tramé en coulisses ?
Quelques dirigeants
de l’aile opportuniste de la SED, inspirés par Gorbatchev, en
profitent pour s’emparer du pouvoir de l'appareil communiste.
Lors de la venue de
Gorbatchev à Berlin pour les fêtes des 40 ans de la RDA, où il
donnera le baiser de Juda à Eric Honecker, « Gorby » a
donné ses consignes et assuré les comploteurs de son appui.
UN QUARTERON DE SALAUDS TRAHIT HONECKER
Le 12 octobre 1989,
le bureau politique du Parti est réuni à Berlin-est. Après une réunion
pendant laquelle Honecker rejette obstinément, et avec raison, la
crise du régime sur « l'agissement des forces hostiles de
l'extérieur », trois membres du bureau politique du SED décident
d'évincer le vieux dirigeant : Egon Krenz, Guenter Schabowski
et Siegfried Lorenz.
Le lendemain, le
quotidien populaire « Bild » de l'Ouest titre : « Honecker
: dernier jour de travail mercredi ». Comment l'annonce,
qui plus est avec la date exacte, est parvenue au journal de
boulevard de « l'ennemi » de l'Ouest ? C'est encore
aujourd'hui un mystère pour les experts. Mais la réponse devient
évidente quant on recherche à qui profite le crime …
Les opposants
internes à Honecker sont tout sauf des héros. De tristes figures
de traîtres et de salauds ! L'historien allemand
Gerd-Ruediger Stephan rapporte que les conspirateurs se retrouvent,
en habit de sport, dans un lieu secret de la forêt de Wandlitz
(Nord de Berlin) pour comploter sur la chute de Honecker.
En fait, ils courent
très peu de risques puisqu'ils se sont assurés le soutien des
principaux généraux les jours précédents et que l'allié
potentiel de Honecker au parti, le ministre de la défense Heinz
Kessler, est en voyage dans le lointain Nicaragua. La NVA et les
milices ouvrières ne sortiront jamais de ses casernes pour nettoyer
la chienlit pro-occidentale.
Quant à la
direction soviétique livrée au courant liquidateur de Gorbatchev
et des traîtres qui l’entourent, elle encourage et favorise le
mouvement. Le chef de l'Etat et du Parti communiste soviétique,
Mikhaïl Gorbatchev, engagé lui-même dans le même processus
liquidateur, leur a déjà souhaité « bonne chance »,
rapporte Harry Tisch, un des comploteurs, alors chef de la « Fédération
libre des syndicats de RDA », parti à Moscou chercher du
soutien.
Le complot se déroule
ensuite sans aucun accroc. Le 17 octobre, la succession de Honecker
est mise à l'ordre du jour de la réunion du bureau politique. Lors
du tour de table, Honecker ne trouve pas de soutien, même chez ceux
en qui il avait confiance. La trahison est complète et définitive.
HONECKER DENONCE LA CAPITULATION
DEVANT « LE CHANTAGE DE L’ENNEMI »
Pour entériner la décision, le Comité
central du SED est réuni dans l'urgence le 18 octobre. Erich
Honecker y prononce alors, contraint et forcé, son discours de démission.
Personne ne sera dupe de l'explication officielle selon laquelle
Honecker est parti pour raisons de santé.
Honecker dans le
huis clos du Comité central dénonce la capitulation des traîtres « devant
le chantage de l’ennemi » et leur annonce que son départ
« ne résoudra rien ». L’Histoire lui a – hélas
– donné raison.
Deux fidèles
d'Honecker, Guenter Mittag et Joachim Herrmann, quittent la scène
avec lui. Le reste du bureau politique, 21 membres en tout, démissionnera
le 8 novembre. Le SED et la RDA sont entièrement livrés aux mains
de la trahison.
Egon Krenz est élu
à la succession de Honecker le 18 octobre. Il ne parviendra pas à
rester au pouvoir. Comme leur modèle Gorbatchev, les
opportunistes ont ouvert la voie du malheur pour leur peuple.
Quelques semaines après les premiers « McDo » ouvrent
à Moscou.
LE DERNIER COMBAT D'HONECKER
Quant à Erich
Honecker, il est mort en mai 1994 au Chili des suites d'un cancer du
foie.
Auparavant, il
avait été emprisonné par le régime libéral de RFA, et poursuivi
en justice où on voulait lui appliquer rétroactivement
les lois de l’Allemagne fédérale. Comme à des centaines de
dirigeants, fonctionnaires et militaires de la RDA, état souverain
et internationalement reconnu depuis 1947 ! Dans l’acte
d’accusation figuraient aussi des actes datant de la lutte du KPD
contre les Nazis avant 1933 !!!
Réfugié à Moscou,
il avait été vendu à la justice inique et revancharde de RFA.
Honecker, l’un des plus chauds partisans de l’alliance russe, a
été livré par ELTSINE. « C’était comme si vous
donniez votre animal chéri pour des expériences de vivisection »,
commente l’un des militaires soviétiques qui se ont opposés
vainement à son extradition.
A la suite d’une
campagne internationale de soutien, marqué par la création de « Comités
Honecker », et à laquelle le PCN est fier d’avoir
contribué, le vieux leader, gravement malade, finira par être
libéré.
Le vieux lutteur,
qui n’aura jamais abdiqué, reste face à ceux qui l’ont trahit
et vendu le vainqueur moral. L’Histoire lui rendra justice.
REUNIFICATION OU COLONISATION ?
La suite est
tristement connue. Ce sera la « réunification officielle »,
en fait une opération de colonisation de l’Est par l’Ouest,
où l’ex-RDA sera livrée au capitalisme sauvage et au chômage.
L’exemple de
Leipzig, capitale industrielle de la RDA, qui rivalisait
techniquement avec l’Occident dans les Années 60-80, est
significatif. « Leipzig ville fantôme » titrait
récemment le « Courrier International » (Paris) : « Il
était une fois une cité industrielle de 530 000 habitants qui
faisait figure de ville d’avant-garde dans la lutte pacifique
contre le régime de la RDA : quand le mur de Berlin tomba, en 1989,
ce fut en grande partie grâce aux manifestations incessantes de la
population de Leipzig. Moins de dix ans plus tard, en 1998, la deuxième
ville d’Allemagne de l’Est après Berlin avait perdu presque 100
000 habitants. Et l’exode continue. La réunification a eu des
conséquences dramatiques. Toute l’infrastructure économique des
nouveaux Länder a été oblitérée d’un coup. Le déclin
industriel et le chômage forcent les jeunes à partir pour faire
leur vie ailleurs, dans la prospère et si proche Bavière, par
exemple. A cela s’ajoute une chute spectaculaire de la natalité
dans toute l’Allemagne de l’Est. Résultat : presque 60 000
logements sont aujourd’hui inoccupés, et la municipalité de
Leipzig commence à envisager des démolitions d’immeubles à
grande échelle. Ces projets d’urbanisme en peau de chagrin ont
des noms de code romantiques comme “Sombre forêt” ou “Bois
ensoleillé”, qui cachent une recette assez simple : raser
les quartiers vétustes ou défavorisés et transformer les surfaces
ainsi gagnées en espaces verts pour faire plaisir à ceux qui
veulent bien continuer à habiter la ville. Afin de frapper les
imaginations (et pour rire), on a même évoqué l’idée d’un
grand parc animalier à côté de la gare centrale flambant neuve ».
« La
municipalité incite les propriétaires à faire démolir leurs
immeubles, car ils ne les loueront plus jamais », résume
« Der Spiegel ». « Ensuite, ils sont invités
à faire don des terrains à la ville. Quant à ceux qui refusent,
ils finiront par vendre leur bien, devenu inexploitable, à très
bas prix, estiment les urbanistes ».
Jusqu’à 400 000
logements seront ainsi supprimés dans les années à venir !
LE PDS DANS LA CONTINUITE DE LA TRAHISON DE LA
RDA
Ironie de
l’Histoire, les pseudo « néo-communistes » du
PDS – en fait des sociaux-démocrates –, héritiers des
liquidateurs opportunistes de 1989, et leur parti, porteur du sigle
honteux qu'ils avaient choisi en 1989, en reniant le SED, y
capitalisent les voix des nostalgiques de la RDA, de plus en plus
nombreux. Après avoir obtenu les biens et les avoirs de l'ancien
Parti communiste de RDA. La trahison n'est pas toujours sanctionnée
par l'histoire... Et Juda prospère parfois avec les deniers de sa
forfaiture.
Les politiciens du
PDS, formation sociale-démocrate honteuse et non pas « communiste
rénové » (comme on le qualifie abusivement, dans la ligne
des fondateurs du parti, qui repose tout entier sur le reniement de
la RDA et la recherche de prébendes politiques, s’inscrivent sans
conteste dans la continuité de la trahison de l’ « autre
Allemagne ».
Leur but c’est de
revenir aux affaires, en partenariat avec la Sociale-démocratie du
SPS, les « socialistes » (sic) de RFA.
Trois mois après le
scrutin régional du 21 octobre 2002, après bien des reniements,
ils y parvenaient enfin. Le SPD et le PDS signaient un contrat de
coalition conclu pour gouverner la ville-Etat de Berlin, sous la
houlette de Klaus Wowereit (SPD).
Les deux partis étaient
parvenus à un accord début janvier 2003. Le leader du PDS,
l'avocat Gregor Gysi, l’homme qui fut le cerveau de la trahison de
Honecker, 54 ans, devenait ainsi ministre de l'Economie, du Travail
et des Femmes.
Le président régional
du PDS, Stefan Liebich, qualifiait cet accord d'historique. « Les
deux partis vont pouvoir façonner l'unité de la ville d'une manière
tout autre que jusqu'à présent. C'est un grand jour pour Berlin »,
déclarait-il.
La politique de la coalition SPD-PDS va en
fait consacrer le ralliement à la politique néo-libérale en
vogue, à commencer par un nouvel assaut contre les services
publics. Curieuse politique pour de soi-disant « communistes rénovés »
(sic) !
SPD et PDS comptent
en effet mener une politique d'austérité budgétaire. Un plan d'économies
d'un milliard d'euros (890 millions de dollars) dans les services
publics est prévu.
Dans le préambule
de leur accord, SPD et PDS ont « condamné les injustices
du régime communiste de la RDA, la construction du Mur de Berlin en
1961 et l'unification forcée au sein du parti unique de la RDA, le
SED, des sociaux-démocrates du SPD avec les communistes du KPD dans
la zone d'occupation soviétique après la Seconde Guerre mondiale ».
Le PDS ne
participait jusque là qu'à un seul gouvernement régional, celui
de Mecklembourg-Poméranie (Nord-Est).
TREIZE ANS APRES, L'ALLEMAGNE CAPITALISTE
N'A PAS ENCORE PARACHEVE SA COLONISATION
DE L’ « AUTRE ALLEMAGNE » :
DESILLUSION A L’EST !
L'Allemagne a fêté
cette année avec une solide gueule de bois 1’anniversaire de sa
« réunification », qui est aussi la fête nationale de
RFA, dans une atmosphère morose, alors que le gouvernement du
chancelier social-démocrate Gerhard Schröder a du mal à imposer
les réformes nécessaires pour remodeler l'Etat-providence.
« Nous ne
devons pas abandonner nos efforts pour parachever l'unité de
l'Allemagne. Même si beaucoup a été réalisé, nous ne nous
faisons pas d'illusions quant au long et difficile chemin qui reste
à parcourir », a déclaré Gerhard Schröder à
Magdeburg, où ont lieu cette année les commémorations nationales
du 3 octobre 1990.
De fait, dans son récent
rapport annuel, le ministre chargé de la reconstruction à l'Est,
Manfred Stolpe, soulignait que « le rêve d'un ajustement
rapide entre l'Allemagne de l'Ouest et de l'Est doit être enterré ».
On est loin de
l’euphorie – et des mensonges de la propagande occidentale –
de 1989-90 ! Pour 62% des Allemands, selon un sondage, le
Mur existe toujours ... dans les têtes. Il est aussi dans
les statistiques économiques : le taux de chômage est de
18,2% dans l'ex-RDA, contre 8,3% à l'Ouest. Le Produit intérieur
brut (PIB) par tête à l'Est ne représente que 62,7% de celui de
l'Ouest, même si de nets progrès ont été enregistrés depuis
1991, où il ne représentait que 33,4% du PIB par tête de l'Ouest.
Conséquence
logique, l'est ne cesse de se vider de sa population :
l’ex-RDA, qui compte 1,3 million de logements inoccupés, a perdu
l'an dernier 80.000 habitants animés par l'espoir de trouver de
meilleures conditions de vie à l'Ouest.
Mais le boulet de la
réunification – qui a déjà coûté 900 milliards d'euros de
subventions depuis 1990 aux régions de l'Ouest et devrait encore en
coûter 156,5 sur la période 2005-2019 – ne fait qu'aggraver la
morosité économique de l'ensemble du pays.
L'Allemagne, en récession
technique après déjà trois trimestres de recul du PIB, peine à
juguler son déficit public : après avoir atteint 3,6% du PIB
en 2002, il devrait être de 3,8% cette année et c'est sans réellement
convaincre que le gouvernement promet de parvenir à repasser sous
la barre des 3% en 2004. L’Allemagne paye ainsi au prix fort le
colonialisme revanchard de 1990.
L’AUTRE ALLEMAGNE SOCIALISTE ET PRUSSIENNE
Pour de nombreux
militants partout en Europe, la RDA avec son socialisme austère
et son culte de Luther, de Marx et d'Engels, restera le
symbole de la Prusse restaurée une dernière et ultime fois.
Cette Prusse, si souvent calomniée et incomprise, qui, avec ses
valeurs de travail, de service, d’équité et de sacrifice,
incarna le dernier sursaut de l’Allemagne véritable contre
Hitler.
Un Etat
socialiste qui relevait pieusement les ruines de Potsdam et les
statues de Frédéric le Grand.
Qui de nous pourrait oublier la relève de
la Garde devant le « Monument aux victimes du Fascisme »,
face à la statue équestre du « vieux Fritz », avec ses
Volksgrenadiers de la « Nationale Volksarmee », qui
incarnait incontestablement la tradition glorieuse de la vieille armée
prussienne ?
Cette Prusse qui
se dressa contre Hitler le 20 juillet 1944 (le journal des SS,
« Der Schwarz Korps » désignait l’ennemi au lendemain
du Putsch de Stauffenberg par un seul nom : « La
Prusse ») et qui inspirait le combat héroïque de nos
camarades nationaux-bolcheviques contre le Nazisme.
Pour les Communautaristes européens,
la nostalgie de la RDA nationale-communiste et de sa « National-Volksarmee »,
avec ses milices ouvrières, est indéniable. Et le culte rendu à
l'Est à nos camarades Schulze-Boysen et Arnack, et à leur « Orchestre
Rouge » un souvenir poignant. En particulier pour
les cadres de notre organisation qui n’oublient pas leur
engagement de jeunesse entre Berlin et Leipzig et l’enthousiasme
de leur 20 ans pour le Socialisme prussien.
UN DESTIN AVORTE
L’Histoire rendra justice à l’ « autre Allemagne »,
le regard des historiens change. Face à la vomissure capitaliste et
néo-coloniale de l’Ordre libéral de Bonn, la RDA incarne
l’espoir avorté d’une « autre Allemagne » et d’un
autre destin pour la patrie de Marx, d'Engels et de Luther !
Luc MICHEL
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