ELEMENTS
POUR UNE BIOGRAPHIE POLITIQUE D’ERNST JÜNGER
( Copyright Editions MACHIAVEL / PCN - Tous droits de reproduction, d'adaptation ou de traduction réservés, sauf autorisation écrite de l'éditeur )
LA JEUNESSE AVENTUREUSE
Le
futur écrivain et homme politique sujet à polémiques, Ernst JÜNGER, naquit
le 29 mars 1895 à Heidelberg. Il était l’aîné d’une famille de sept
enfants dont deux mourront en bas âge. A ce titre de « Stammhalter »
(= fils aîné), il supporta l’autorité de son père qui, comme nous le
verrons, infléchira, à plus d’une reprise, l’orientation que prenait son
destin.
D’emblée,
plusieurs traits marquent la jeunesse de JÜNGER. D’abord, la technique, il naît
dans une famille qui, d’une certaine manière, incarne le progrès et le
triomphe de la science. Son père, Ernst Georg JÜNGER fut d’abord chimiste
avant de s’installer comme pharmacien. Parmi ses frères, nous trouvons Hans
Otto (°1905/+1976) qui deviendra physicien et le cadet de la famille, Wolgang (°1908/+1975),
qui se consacra à la géographie. Quant à son frère Friedrich Georg (°1898/+1977),
avec lequel il partagea la plupart des grandes expériences de sa vie, il rédigea
plus tard un essai intitulé « La
perfection de la technique » (= Die Perfektion der Technik).
Outre
la technique, un deuxième sceau imprima de son signe le caractère et
l’esprit d’Ernst JÜNGER, à savoir un goût pour le voyage, un nomadisme
tant spatial qu’intellectuel. Dès l’enfance, il suivit les pérégrinations
de sa famille à travers l’Allemagne. Elève distrait et peu assidu, il
changeait souvent d’école. Ses performances dans le domaine littéraire ne
suffisaient pas à compenser sa nullité en mathématique. Durant sa quinzième
année, il trouva l’évasion en lisant les romans d’aventure de Karl MAY,
DUMAS, VERNE ou POE. Dès lors, quoi d’étonnant à ce que cet invétéré rêveur
adhérât aux Wandervögel (= les
oiseaux migrateurs), un mouvement de jeunesse, inspiré par le romantisme
allemand, qui critiquait l’industrialisation, prônait un retour à la terre
et soutenait une attitude à la fois nationale, populaire et pacifiste. Avec ses
compagnons, parmi lesquels se trouvait son cadet de trois ans, Friedrich Georg,
il parcourut, sac au dos, les plaines et forêts tudesques. Déjà, il publiait
ses premiers articles et poèmes dans différents journaux du Hanovre. Il faut
croire que les escapades agrestes ne suffisaient pas à assouvir son irrépressible
besoin de dépaysement, puisque, à l’automne 1913, Ernst JÜNGER fuguait pour
s’engager dans la Légion étrangère à Verdun, en trichant sur son âge. Il
signa un contrat pour cinq ans et rejoignit Marseille, avant de s’embarquer
pour Alger et de rejoindre le centre d’instruction de Siddi-bel-Abbes. Mais
son père refusait que son rejeton disparût en Orient. Il obtint le
rapatriement de son fils par la voie diplomatique, en arguant du fait qu’il était
mineur. Le pater familias ne lui
adressa aucun reproche. Il parvint à convaincre Ernst d’achever ses études,
en lui promettant qu’il l’autoriserait à participer à une expédition dans
le Kilimandjaro. Vingt ans plus tard, l’auteur nous contera ses mésaventures
dans « Jeux africains »
(1936). Durant la fin de ses études, il découvrit NIETZSCHE dont la
philosophie sous-tendra l’oeuvre de JÜNGER.
Enfin,
Mars marqua de son signe la jeunesse de JÜNGER. Dès le 1er août 1914, il
s’engageait comme volontaire dans l’armée. Néanmoins, il acheva ses
secondaires selon une procédure accélérée, avant de suivre sa formation
militaire et d’être incorporé dans le 73e régiment de fusiliers, unité
avec laquelle il combattit pendant toute la guerre. Il reçut son baptême du
feu en Champagne, le 27 décembre 1914. Son premier récit de guerre, « Orages
d’acier », s’ouvre d’ailleurs sur cet épisode. Blessé une
première fois, il mit à profit sa convalescence pour s’inscrire à des cours
universitaires, entre autres des conférences sur la zoologie. Son père le
convainquit de suivre une formation d’officier. De retour au front, son
courage indomptable suscita vite l’admiration de ses camarades. Toujours à la
pointe du combat, il collectionna un nombre impressionnant de blessures dont il
dressa l’étrange inventaire à la fin d’ « Orages
d’acier » : quatorze impacts pour vingt cicatrices ( plusieurs
projectiles l’avaient transpercé). Pendant la bataille de Langemarck, il
sauva son frère Friedrich Georg qui était officier dans le même régiment (29
juillet 1917). Blessé pour la septième fois, il reçut l’« Ordre pour
le Mérite », décoration créée par un géant de l’Histoire, Frédéric
II de Prusse, et qu’HITLER, ce gnome, supprima. En temps normal, cette décoration
n’était pas décernée à de simples lieutenants, mais plutôt à des
officiers de rangs supérieurs. Un certain Erwin ROMMEL mérita également cet
honneur insigne. Ernst JÜNGER sortait donc des forges de la première guerre
industrielle, auréolé de gloire et muni du grade de capitaine.
Après
la guerre, il s’engagea dans la Reichwehr avec le grade, inférieur, de chef
de section, ce qui était le sort de la plupart des cadres, car l’ancienne armée
wilhelmienne fournissait une surabondance d’officiers que ne pouvait absorber
les 100.000 hommes de la République pour Weimar. Ses premiers écrits d’après
guerre consistèrent en un manuel d’instruction de l’infanterie et trois
articles de tactique pour le « Militärwochenblatt »,
l’hebdomadaire de la Reichwehr. Dans ces derniers, il insiste sur la nécessité
de tirer les leçons du passé, et donc de la Première guerre mondiale qui a vu
l’avènement de la technique. Ce fait explique peut être en partie l’évolution
du militaire vers le penseur : JÜNGER ressentait le besoin de réorganiser son
expérience par l’écriture.
En
1920, il s’était installé dans la ville d’Hanovre, quand KAP et LÜTWITZ
tentèrent un putsch d’extrême-droite. En tant qu’officier, il fut chargé
d’opérations de police - empêcher les pillages, éviter les affrontements ou
les lynchages -, mais il ne participa pas personnellement à l’écrasement de
l’insurrection. En ces circonstances, JÜNGER montra son respect d’une
certaine légalité et son scepticisme devant l’action des extrémistes.
LE SOLDAT ECRIVAIN
La
même année, il éditait son premier livre. Comme beaucoup d’autres anciens
combattants, Ernst JÜNGER avait tenu à jour des carnets de guerre. Nombre de récits
relatant leur expérience personnelle furent publiés dans les Années 20, mais
peu se distinguaient dans la grisaille de la littérature issue des tranchées -
de la même manière que nous avons oublié la plupart des mémorialistes de
l’époque napoléonienne -. Une fois de plus, c’est le père d’Ernst qui
le persuada de publier, à compte d’auteur, ses souvenirs de guerre. JÜNGER
avait trouvé le titre, aux connotations si modernes, « Orages
d’acier » (= Stahlgewitter),
dans les récits épiques de l’Edda ; ainsi l’expression qui évoquait
à l’origine le heurt d’objets métalliques s’appliqua au choc des
puissances industrielles.
On
connaît le célèbre roman de REMARQUE, « A
l’Ouest, rien de nouveau », mais ce dernier a combattu dans les
tranchées pendant une courte période et son oeuvre dénonce les méfaits de la
guerre. En revanche, « Orages
d’acier », qui rencontra un succès immédiat, se distinguait par le
ton détaché et descriptif qu’adoptait son auteur. Comme un entomologiste étudiant
une bataille entre termites et fourmis, JÜNGER observait, de façon précise et
froide, l’horreur sans qu’elle l’atteigne. Au contraire, ce spectacle lui
inspirait des réflexions poétiques. Au cours de son récit, il ne fait jamais
référence aux causes et aux buts du conflit; il l’aborde comme une chose en
soi, un événement qui engendre sa propre signification. Dans son esprit, il
s’agissait d’un affrontement entre l’individu et l’Etre de la guerre,
dont les survivants sortaient transformés, parce qu’ils avaient surmonté
l’épreuve. Il n’y avait que deux manières de la vivre : en victime
dominée par l’esprit de l’esclave, ou en homme libre qui
accepte son destin, qui déclare l’Amor
Fati. Comme l’écrivait NIETZSCHE « Tout
ce qui ne me tue pas, me rend plus fort. ». Dans son esprit, la guerre
n’était pas seulement une entité destructrice, puisqu’elle engendrait dans
son grand oeuvre une nouvelle humanité, une génération d’hommes jeunes et
combatifs qui n’éprouvaient que mépris pour les valeurs bourgeoises. Ces
hommes nouveaux opposaient le sens de l’action pour l’action au calcul,
l’inconfort à la quiétude du foyer, le goût du danger au sentiment de sécurité,
le dédain des besoins matériels à l’esprit de lucre, la camaraderie aux
groupes d’intérêts.
L’année
suivante, il s’essaya sans grand succès à la poésie expressionniste et
publia son premier essai, « La
guerre comme expérience intérieure » (Der Kampf als inneres Erlebnis)
ainsi qu’une deuxième version d’ « Orages
d’acier »[1].
En
1923, il démissionna de l’armée, afin de reprendre ses études à l’Université
de Leipzig, à la fois dans les domaines de la philosophie et de
l’entomologie, science de patience et d’observation qu’il pratiqua de son
enfance à sa mort. Parallèlement, il poursuivit la rédaction d’ouvrages,
qui hésitent entre le récit et l’essai, sur la Grande guerre et ses conséquences
par « Le lieutenant Sturm » et « Le Boqueteau 125 ». Avec la parution de « Feuer
und Blut » (feu et sang) en
1925, il acquit un statut d’écrivain reconnu. La même année, il rencontra
Gretha Von JENSEN, qu’il épousa.
A
trente ans, Ernst JÜNGER avait derrière lui une vie déjà bien remplie. Au
sortir de la guerre, il était un officier réputé; ensuite, il avait acquis
une notoriété littéraire - dont il retirait des revenus suffisants pour
subvenir à ses besoins - ; malgré les instances de Félix KRÜGER, un des
principaux chefs de file du néovitalisme, il avait refusé de s’engager dans
une carrière universitaire; enfin, il s’était marié. Ce que beaucoup
d’hommes ne parviennent pas à réaliser durant leur existence, JÜNGER
l’avait accompli en trois décennies.
L’ECRIVAIN SOLDAT
Jusqu’à
présent, il ne s’était guère engagé dans la politique active. En 1923, il
avait bien fréquenté quelque temps le cercle des corps francs de ROSSBACH, un
anti-communiste acharné qui avait tenté de l’attirer dans son cercle, afin
qu’il représentât son organisation. Mais Ernst JÜNGER n’estimait
aucunement les personnages peu recommandables et intéressés qui gravitaient
dans la nébuleuse des corps francs ; en conséquence, il quitta
l’organisation. Pourtant, il avait conscience de vivre un période cruciale de
l’histoire, ainsi que ses écrits l’attestent.
A
la même époque, il écrivit un article intitulé « Revolution
und Idee » pour le « Völkischer
Beobachter », journal du parti nazi, dans lequel il prêchait pour un
nationalisme-révolutionnaire et la nécessité de la dictature. A ce moment, le
parti nazi n’était qu’un groupuscule parmi d’autres. Il l’abandonna
vite pour se diriger vers la principale ligue d’anciens combattants, le Stahlhelm
(casque d’acier).
Le
fait n’a rien d’étonnant dans un période où tous les mouvements
politiques se croisaient, à la recherche d’une nouvelle stabilité. La République
de Weimar était, selon l’expression de PALMIER, un « effroyable
imbroglio idéologique ». Bien sûr, l’extrême-droite raciste et le
communisme demeuraient inconciliables, mais entre ces deux pôles, il est
difficile de trouver des points de repères. Les notions de gauche et droite
n’ont plus guère de sens lorsqu’il s’agit de classer la multitude de
mouvements qui agitaient la république. Dans le cercle littéraire qu’animait
l’éditeur ROWOHLT, on rencontrait aussi bien Bertold BRECHT que GOEBBELS. Les
tenants de tous les courants politiques se côtoyaient, discutaient et parfois
épousaient les idées de leurs « adversaires ».
C’est
en septembre 1925 qu’il franchit le premier pas. L’ancien chef de corps
franc, Helmuth FRANKE créa la revue « Die
Standarte » (L’étendard), un supplément à l’hebdomadaire Der Stahlhelm (Le casque d’acier), l’organe de la ligue
d’anciens combattants du même nom, qui compta jusqu’à un million d’adhérents.
La ligue avait été interdite en 1922-1923, puis avait adopté une attitude légaliste
que n’acceptaient pas les jeunes radicaux. Pour les apaiser, la direction créa
un supplément à sa revue, dans lequel ils pouvaient s’exprimer. JÜNGER fut
associé à la direction avec Franz SCHAUWECKER, un autre écrivain issu du
front. Ernst JÜNGER publia d’ailleurs la première version de « Feuer und Blut » aux éditions du Stalhelm. La revue se démarqua très vite du nationalisme
soldatique classique, en refusant tout recours aux élections, en critiquant la
thèse du « coup de poignard dans le
dos » ou en soulignant que certains militants de gauche avaient bien
combattu durant la Première Guerre mondiale. De tels propos n’eurent pas
l’heur de plaire à la direction du Stalhelm,
qui se débarrassa de l’encombrante équipe dont la revue cessa de paraître
en mars 1926. JÜNGER, SCHAUWECKER, FRANKE et KLEINAU fondèrent un autre périodique
intitulé « Standarte » (sans
l’article) qui était toujours imprimé par la Frundsberg Verlag, la maison
d’édition du Stalhelm, dirigée par
SELDTE. Dans les colonnes de la nouvelle revue, JÜNGER appela les anciens
combattants à s’unir pour fonder une « république
nationaliste des travailleurs ». Dès le mois d’août, le
gouvernement interdit la publication du périodique pour trois mois, parce
qu’il avait publié un article favorable aux assassins d’ERZEBERG et
RATHENAU. SELDTE profita de l’occasion pour donner son congé à FRANKE. Sur
ces entrefaites, JÜNGER remit sa démission. En novembre 1926, JÜNGER et
FRANKE s’associèrent à Wilhelm WEISS pour coéditer la revue « Arminius ».
A
partir de 1925, ses récits de guerre prirent un tour plus politique. Le
« Boqueteau 125 » et « Feuer
und Blut » furent rédigés pour mettre l’expérience de la guerre
au service d’un nationalisme révolutionnaire et technicien qui culminera dans
« Le Travailleur ». Il
retravailla la troisième version d’« Orages
d’acier » dans le même sens. Dans les éditions ultérieures, il
retirera les passages trop marqués par le pathos nationaliste.
En
juillet 1927, Ernst JÜNGER aménagea à Berlin, où il rencontra de nombreux
intellectuels, entre autres dans le cercle qu’animait l’éditeur ROWOHLT,
tels que l’écrivain et ancien des corps francs Ernst VON SALOMON, le futur
ministre de la propagande nazie Joseph GOEBBELS, le théoricien du droit et du
politique Carl SCHMITT, l’auteur de théâtre Bertold BRECHT, ou encore
l’historien Eduard MEYER. Le fait que des personnages aussi divers fréquentassent
le même cercle, montre à quel point les courants d’idées se mêlaient sous
la république de Weimar.
En
compagnie de son frère Friedrich GEORG, il fréquenta de manière assidue la
mouvance national-bolchevique groupée autour d’Ernst NIEKISCH et de sa revue
« Widerstand » (= Résistance),
à laquelle Ernst JÜNGER collabora régulièrement jusqu’en septembre 1933.
Surtout, il se lia d’amitié avec Ernst NIEKISCH et l’illustrateur A. Paul
WEBER.
D’autre
part, il rencontra le jeune Werner LASS (°1902) qui avait fondé avec
l’ancien chef des corps francs, ROSSBACH, la Schilljugend,
un mouvement de jeunesse qui tentait à la fois de renouer avec l’esprit
romantique et aventureux des Wandervögel
et de se doter d’une organisation communautaire, hiérarchisée à l’instar
d’une armée. En 1927, LASS rompit avec ROSSBACH et créa son propre mouvement
de jeunesse, la Freischar Schill, dont
JÜNGER devint bientôt le parrain. En outre, JÜNGER et LASS s’associèrent
avec un autre ancien des corps francs, le capitaine EHRHARDT, pour coéditer la
revue « Der Vormarsch » (=
La marche en avant) d’octobre 1927 à mars 1928.
En
avril 1928, son ami Friedrich HIELSCHER, écrivain nietzschéen antichrétien,
lui succéda à la tête de la revue. Ce personnage, que JÜNGER décrivait
comme un curieux mélange de rationalisme et de naïveté, avait combattu dans
les corps francs et était membre de la Freischar
Schill. Néopaïen, partisan d’une Europe des patries, il travailla
pendant la Seconde Guerre mondiale pour l’Ahnenerbe.
Accusé de « philosémitisme »,
la police l’arrêta en septembre 1944. En effet, il avait organisé un réseau
de résistance souterraine à partir de 1933. Il ne dut la vie sauve qu’à
l’intervention de son ami Wolfram SIEVERS. Reconnaissant et fidèle en amitié,
Friedrich HIELSCHER témoigna en faveur de SIEVERS, lors du procès de Nüremberg.
Par
la suite, JÜNGER et Werner LASS prirent la direction de la revue « Die Kommenden » (ceux qui reviennent), un hebdomadaire créé
en 1923, qui exerçait une influence grandissante sur la mouvance de la jeunesse
bündisch attirée par le
national-bolchevisme. Les deux camarades quittèrent la direction de « Die
Kommenden » en juillet 1931. De son côté, LASS créa un organe pour
son mouvement de jeunesse, la Freischar
Schill, intitulé « Der Umsturz »,
qui se réclama ouvertement du national-bolchevisme, jusqu’à son interdiction
en février 1933.
Durant
toute cette période, Friedrich Georg JÜNGER écrira pratiquement dans les mêmes
revues que son frère et il rédigea des articles pour « Widerstand »,
jusqu’à la censure de la revue par les nazis, en décembre 1934. Ernst JÜNGER
recueillit et protégea la mère et le fils de NIEKISCH après son arrestation
en mars 1937.
L’ADIEU AUX ARMES
Au
contraire de LASS, Ernst JÜNGER délaissa la politique active après 1929. En
cinq ans, il avait écrit environ 150 articles polémiques, mais il lui semblait
que ses appels étaient restés sans guère d’échos. Il avait conservé son
indépendance d’esprit et il déclara plus tard que « les
revues, c’est comme les autobus : on les utilise quand on en a besoin,
puis on en descend ». Il en était venu à considérer que tous les
mouvements nationalistes, qu’ils s’agissent des conservateurs, des
nationaux-révolutionnaires ou des nationaux-socialistes, sont « bourgeois »
et « libéraux », puisqu’ils sont tournés vers le passé. Dès
lors, il se consacra principalement à la rédaction de nouveaux livres. Néanmoins,
il continua à fournir des articles à la revue « Widerstand »
jusqu’en septembre 1933. Du combat politique en communauté, il passait à une
quête intérieure et solitaire. Ainsi qu’il nous le confie dans son « Coeur aventureux » : « Aujourd’hui, on ne peut pas travailler en société pour l’Allemagne,
il faut le faire dans la solitude », en espérant toutefois que
d’autres isolés oeuvrent dans le même sens.
Pour
son nouveau départ en littérature, Ernst JÜNGER abandonna la veine des récits
de guerre, qu’il semblait avoir épuisée. Au cours de l’année 1927, il rédigea
le « Coeur aventureux »
(der Abenteuerliche Herz), un recueil de textes composite, parmi lesquels le
lecteur trouve aussi bien des souvenirs d’enfance, que des récits oniriques
ou de brèves histoires dont l’atmosphère, à la fois mythique et poétique,
préfigure la fable des « Falaises
de marbre ». Ces écrits hétéroclites portaient des noms de ville
(Leipzig...). Le livre marque une césure dans l’œuvre de JÜNGER, même si
l’on retrouve encore dans ses pages les traces de son passé guerrier et de
son engagement politique. Evidemment, son lectorat habituel, qui s’attendait
à un nouveau récit épique ou à un approfondissement de ses réflexions sur
la guerre, bouda sa première production littéraire lors de sa parution (1929),
mais l’insuccès n’affecta nullement l’auteur.
En
1938, la seconde version du « Cœur
aventureux » ne rencontra guère plus de succès que la première. JÜNGER
avait entièrement réécrit son livre, si bien que l’on peut affirmer qu’il
s’agit d’un autre texte relevant de la même inspiration. Cette fois, chaque
fragment portait un titre comme « Note
sur la couleur rouge » ou « Voler
en rêve ».
LA MOBILISATION TOTALE (1931)
Avec
la « Mobilisation totale »
(die totale Mobilmachung), JÜNGER reprenait une série de thèmes qu’il avait
abordés dans ses derniers articles. L’essai portait sur les mutations de l’Europe
après la Première Guerre mondiale. L’idée d’un lien entre la technique et
certaines formes contemporaines de nihilisme, qu’il approfondira dans « Le
Travailleur », apparaît déjà dans ce texte.
JÜNGER
discernait les conséquences du progrès technique qui avait engendré la guerre
de matériel et permis la naissance des premiers Etats totalitaires. De la
convergence de ces deux nouveaux phénomènes naîtrait la guerre civile
mondiale.
Les
Etats étaient passés de la guerre de cabinet à la guerre populaire. La première,
typique des monarchies, ne mobilise qu’une partie des hommes et des moyens, en
vue d’objectifs limités; autrement dit, c’est une forme de guerre limitée
et raisonnée. Au contraire, les guerres de masses sont des luttes à mort,
d’une violence irréfrénée, dont la fin est l’élimination de l’ennemi.
Pour mobiliser leurs peuples, les gouvernements font appel aux affects, aux bas
instincts, à la morale. Abstraction et cruauté croissent corrélativement.
A
l’époque, JÜNGER admirait la planification soviétique, ce modèle de
mobilisation totale des énergies d’un peuple vers un but déterminé. Il
voyait dans le bolchevisme, un communisme ascétique, au contraire du marxisme
qui est à son sens hédoniste, puisqu’il vise plus le bien-être matériel
que la puissance.
LE TRAVAILLEUR (1932)
JÜNGER
constate que la technique envahit le monde, il est inutile de la refuser. Au
contraire, il faut faciliter son processus de développement pour que, du chaos
qu’elle engendre, surgisse un monde nouveau. Dans les temps contemporains,
rien n’existe en dehors du travail, tout existe par la technique. JÜNGER
considérait le machinisme comme un phénomène de la Vie, à l’inverse de la
plupart des néo-conservateurs qui voient en la technique une force létale.
La
figure du Travailleur surgit dans un contexte nihiliste. Le Travailleur ignore
la morale, mais il possède une éthique fondée sur le sacrifice de soi. En
effet, la technique n’apporte pas le confort matériel, mais la puissance. Sa
satisfaction réside dans le travail. Il ne prétend pas à la liberté mais
bien au labeur. Son bonheur s’accomplit dans le sacrifice à la guerre ou au
travail - et le travail devient lui-même une guerre contre la matière.
Le
Travailleur a renoncé au bonheur. Il s’agit d’un Titan qui exploite la planète
et soumet la matière à sa volonté. Maître de la technique, il entretient néanmoins
un lien avec les forces élémentaires qui lui confèrent sa puissance. En lui,
s’abolit la traditionnelle opposition nature/culture.
Le
Travailleur façonne la nouvelle face du monde. Dans son creuset alchimique, des
formes inconnues jusqu'alors sont en gestation. Dans le rougeoiement des forges,
on aperçoit une civilisation à venir. Il réinvente les contours de l'univers.
Les flammes de l'âtre se reflètent au fond de ses prunelles, comme si un feu
intérieur le dévorait. Sous le poids de son marteau, le métal, amolli par la
chaleur, se plie à sa volonté. Son outil s'abat selon un mouvement syncopé et
ininterrompu, sur les barres de fer. Un titanesque tintamarre abolit le chant
des oiseaux, les bruissements de la forêt, et même le brouhaha de la ville.
Des profondeurs de son usine jaillissent les hurlements de l'acier torturé, le
souffle brûlant engendré par la consummation du charbon, la transpiration des
constructeurs d’univers. En été, aux abords de ses forges, l'air est si
chaud qu'il se tord, comme si des fantômes passaient, qui, comme lui, déforment
la réalité. Il n’a cure de ceux qui le juge sacrilège, lui qui veut
remplacer les dieux. Parfois, il s'arrête, et l'on entend son rire énorme,
sans retenue aucune, immense, profond et sincère. La nuit, il sort de son antre
pour hurler son dédain aux dieux. Les cieux étoilés le jugent d'un air
impassible, sans aucune condescendance. Puis, il reprend son inlassable labeur.
La
vision de JÜNGER débouche sur un empire universel technocratique, sans classes
mais inégalitaire. Dans cette société, seule est garantie le droit au
travail, le reste est à conquérir. Le Travailleur n’a aucun rapport avec le
prolétaire marxiste ; sa révolution ne vise pas la propriété privée,
mais bien la culture bourgeoise basée sur la raison, la morale et
l’individualisme. En outre, la pensée de JÜNGER nie la notion de « progrès »,
qui est le moteur tant du libéralisme que du marxisme. Lorsque la technique
fait son irruption dans le monde, elle ne subit aucun processus évolutif, elle
atteint presque aussitôt son niveau de perfection.
Le
premier tirage de 5000 exemplaires du « Travailleur »
fut vite épuisé. Trois autres éditions suivirent. L’essai se trouvait
encore en librairie au début de la guerre.
Peu
après la parution du « Travailleur »,
Thilo von TROTHA l’attaqua violemment dans les colonnes du « Völkischer Beobachter », l’organe du NSDAP. Il dénonçait
l’intellectualisme abstrait de JÜNGER, qui s’éloignait des faits
essentiels, à savoir le sang et le sol. Il allait jusqu’à écrire qu’Ernst
JÜNGER s’approchait « de la zone
des balles dans la tête ».
Au
contraire et très justement, Ernst NIEKISCH voyait dans « Le
Travailleur » un livre national-bolchevique et il ne tarissait pas
d’éloge.
LE NAZI ?
Après
guerre, d’aucuns ont reproché à JÜNGER une soi-disant sympathie pour le
nazisme ou du moins qu’il leur aurait fourni des éléments idéologiques. Des
journalistes souligneront aussi qu’il avait dédicacé un exemplaire de
« Feuer und Blut » à HITLER en 1926.
Selon
la thèse de Louis DUPEUX, trois traits distinguent les nationaux-bolcheviques
des nazis :
-
une orientation protestante qui entraîne une civisme rigoureux ;
-
le dédain de l’idéologie de masse par esprit élitiste ;
-
la volonté de rompre avec l’esprit bourgeois.
Il
faudrait aussi ajouter le refus du racisme et de l’antisémitisme.
Bien
que Louis DUPEUX ne le considère pas comme un national-bolchevique à part entière,
nous retrouvons ces caractéristiques chez Ernst JÜNGER. Sans appartenir à la
mouvance, il y participait par ses écrits, son travail de coéditeur et
aussi... par la connivence intellectuelle qui le liait à Ernst NIEKISCH.
JÜNGER
professait dans ses articles un nationalisme socialisant. Au début de son
engagement, il souhaitait l’union des partis nationalistes. A ce moment, il
n’excluait pas les nationaux-socialistes. Mais, dès 1926, il refusait qu’Adolf
HITLER devînt le guide de l’Allemagne. Ne distinguant aucun grand homme qui pût
diriger l’Allemagne, il proposait que l’on instaurât un comité provisoire,
qui comprendrait au moins un chef d’Etat-major, pour surveiller la pureté et
la rigueur du mouvement.
Son
attitude personnelle envers le national-socialisme n’était pas équivoque. En
réalité, HITLER lui paraissait aussi exécrable que dangereux et il abhorrait
la brutalité des nazis de base. Il n’a d’ailleurs jamais rencontré le
dictateur et parmi les dignitaires nazis, il ne connaissait que GOEBBELS. Un
entretien avec HITLER avait bien été prévu, mais il avait été annulé à la
dernière minute. En 1927, le NSDAP lui proposa une place éligible pour les élections
au Reichtag, mais Ernst JÜNGER refusa de manière catégorique, en précisant
qu’il préférait « écrire un
seul vers plutôt que de représenter 60.000 crétins au Parlement ».
Peu après leur accession au pouvoir les nazis lui proposèrent de devenir
membre de l’Académie allemande de poésie, une fois encore Ernst JÜNGER déclina
l’offre. Peu après, la Gestapo perquisitionna son domicile sous prétexte de
trouver des lettres de son ami anarchiste MÜHSAM. En 1934, ayant appris que le
« Völkischer Beobachter » avait publié, à son insu, un
extrait du « Cœur aventureux »,
il écrivit au journal pour protester, parce qu’il ne voulait pas passer pour
un de leurs collaborateurs. Quatre ans plus tard, GOEBBELS l’invita, encore
une fois, à rejoindre le NSDAP, mais, à l’instar d’ULYSSE, il résista au
chant des sirènes qui voulaient l’attirer vers les récifs. Ayant refusé
toute collaboration, fût-elle littéraire, avec le nouveau régime, JÜNGER
pouvait s’attendre à des représailles ou du moins à une hostilité de sa
part.
LES FALAISES DE MARBRE (1939)
Une
phrase de « Auf den Marmorklippen »
(Sur les falaises de marbre) révèle son dédain pour les nazis : « Nous
ne considérions point l’engeance des bois comme des adversaires »[2].
En effet, JÜNGER distingua toujours ses adversaires (Gegner), pour lesquels il
éprouvait du respect, de ses ennemis (Feind), qu’il méprisait.
Alors
qu’il séjournait en Suisse, il fit un rêve d’incendie qui lui inspira son
roman « Sur les falaises de marbre ».
Il le rédigea de février à juillet 1939 et, mobilisé, il en corrigea les épreuves
en septembre, dans un bunker de la ligne Siegfried. Quatorze mille exemplaires
furent vendus en quelques semaines. Ce bref récit était une critique à peine
déguisée du nazisme en particulier et de la tyrannie en général.
L’histoire
se déroule dans un pays fabuleux, lieu de haute civilisation. Cette contrée
mythique était divisée en deux parties, la Marina et la Campania, par les
falaises de marbre. Sur les confins de la Campania, s’étendaient les marécages
et les forêts, sur lesquels régnait un être mystérieux et barbare, le Grand
Forestier (Oberfoerster), dont l’aspect et les manières font penser à
HITLER. Toutefois, le Grand Forestier ne s’identifie pas entièrement à lui,
il possède aussi quelques traits de GOERING. En réalité, la figure du Grand
forestier dépasse les personnages historiques, elle symbolise l’éternel
tyran. Des recenseurs étrangers soulignèrent la ressemblance entre la figure
jungérienne et le chancelier, sans trop se soucier des conséquences pour
l’auteur. On critiqua également son esthétisation de la violence.
Dans
le roman, nous retrouvons la plupart des proches d’Ernst JÜNGER. Ainsi, les
deux frères ressemblent étrangement à Ernst et Friedrich Georg. Naguère, ils
avaient combattu ensemble pendant la guerre d’Alta-Plana. A l’époque, ils
faisaient encore l’apologie de la puissance et se montraient impitoyables
envers les faibles. Maintenant, ils s’étaient retirés du monde et se
consacraient entièrement à l’étude des plantes, constituant peu à peu un
grand herbier, à la manière de Linné. De même, le personnage de « Perpétua »,
symbole de l’éternité, correspond à sa femme et l’enfant adopté par le
trio, Erion, à son fils Ernstel.
JÜNGER
décrit la lente, mais inexorable, montée de la menace, jusqu’à son apogée,
quand les forces maléfiques détruisirent les falaises de marbre. Plusieurs épisodes
de son roman, nous paraissent aujourd’hui prémonitoires. Lors d’une
patrouille, les deux frères découvrent avec horreur l’atelier d’équarrissage
de Köppels-Beeck. On trouve aussi dans le texte une expression devenue célèbre :
« Les actes de banditisme que la
Campagna connaissait déjà se renouvelaient alors, et les habitants étaient
enlevés à la faveur de la nuit et du
brouillard (Nacht und Nebel). Nul
n’en revenait »[3].
La
censure nazie ne s’y trompa point ; le Reichsleiter BÜHLER entama une
procédure à l’encontre de l’auteur et son éditeur eu maille à partir
avec la Gestapo. Ernst JÜNGER survécu sous le IIIe Reich, en partie
grâce à son statut de héros national, en partie grâce au succès de ses écrits
de guerre qu’HITLER admirait. En revanche, le dictateur n’a sans doute
jamais lu les « Falaises de marbre ».
Il avait demandé à ses services de ne point importuner l’écrivain. A vrai
dire, si HITLER avait lu ce roman, il aurait vu son véritable visage et ce
spectacle déplaisant aurait entraîné la mort prématurée d’Ernst JÜNGER.
Après la guerre, l’auteur fit souvent allusion, de manière sibylline, à ses
protecteurs, sans le(s) nommer. Pour notre part, nous inclinons à croire que
GOEBBELS, ce « nazi de gauche », était l’un d’entre-eux.
Nombre
d’anciens enrôlés dans la Wehrmacht se souviennent qu’ils lisaient, sur le
front ou en permission, « Sur les
falaises de marbre » ; le texte constituait comme un fil
impalpable qui reliait les opposant au régime. Savoir que d’autres partagent
vos idées constitue déjà un réconfort.
LA GUERRE DE KNIEBOLO
Le
capitaine JÜNGER participa, bien malgré lui, à la campagne de 40 en France.
Dans son journal, il affirme qu’il s’agit de la guerre d’HITLER et non de
la sienne. Par prudence, il désignait le dictateur par le surnom, à consonance
satanique, de « Kniebolo », dans ses journaux.
En
juin 1941, son régiment partit pour la Russie. Le général SPEIDEL, qui était
un de ses admirateurs et un opposant au régime, affecta JÜNGER au contrôle du
courrier militaire, à Paris, afin qu’il poursuivît son oeuvre littéraire.
« Sur les falaises de marbre », la seconde version du « Cœur
aventureux » ainsi que « Jardins
et routes » (son premier journal) furent publiés en traduction française
dès 1942. Durant la même année, il entama la rédaction de « L’appel »,
texte qui s’intitulera plus tard « La
paix ». Il fréquentait les milieux parisiens et rencontra la plupart
des grands écrivains de l’époque, comme GUITRY, GIRAUDOUX, JOUHANDEAU et le
moins connu Jean POULHAN dont il savait pertinemment bien qu’il était un résistant
actif. Ainsi, il participait à la grande « République des lettres ».
Il ne passait presque pas un jour sans qu’il discutât avec un homme de
lettre. Soulignons qu’il sortait le plus souvent possible habillé en civil,
tant il détestait ce que son uniforme représentait, alors qu’il l’avait
porté si fièrement quelques années plus tôt.
Il
rencontra également CELINE à l’institut allemand, mais ses diatribes antisémites
lui inspirèrent de la répulsion. Il appréciait tellement peu ce personnage,
que, des années plus tard, il refusait toujours d’en parler aux journalistes.
A
la fin de 1942, Heinrich STÜLPNAGEL, un des futurs conjurés du 21 juillet
1944, l’envoya en mission dans le Caucase, afin qu’il estimât le moral des
troupes et leur éventuelle volonté d’adhérer à un putsch contre HITLER. A
son retour, il rédigea pour SPEIDEL un rapport circonstancié sur les luttes
d’influence qui sourdaient entre l’armée et le parti.
Dans
son « Garten und Strassen »,
JÜNGER commentait le Psaume 73. La censure nazie lui demanda de supprimer ce
passage. L’auteur refusa. C’en était trop, les autorités nazies
l’interdirent de publication en 1943.
Le
maréchal ROMMEL fut le premier lecteur de son texte « La
paix » qui l’aurait convaincu de participer au complot du 20
juillet. En circulant sous le manteau, « La
paix » devint en quelque sorte le manifeste des conjurés. Ernst JÜNGER
était au courant du complot, mais il n’y prit point part, son propre combat
était solitaire. De plus, il n’approuvait pas les attentats politiques.
Pourtant, il nota dans son journal qu’il admirait le courage de STAUFFENBERG
et de ses camarades. Après l’échec du putsch, il détruisit de justesse des
papiers compromettants. Néanmoins, il fut dans un premier temps mis en
disponibilité, puis les autorités nazies lui demandèrent de démissionner de
l’armée. Il rejoignit son domicile à Kichhorst. Le 1er décembre
1944, le juge FREISLER adressa une lettre à Martin BORMANN concernant la procédure
ouverte contre JÜNGER pour « Sur
les falaises de marbre ». La manœuvre visait probablement à le traîner
devant le Volksgerecht (le Tribunal
populaire) pour crime de haute trahison. En effet, il relevait des tribunaux de
l’armée tant qu’il demeurait militaire, même en congé.
Le
24 novembre, son fils aîné, Ernstel, alors âgé de 18 ans, était tué par
des partisans italiens, non loin des « falaises
de marbre » de Carrare. Ernstel avait été arrêté, puis versé dans
un bataillon disciplinaire, parce qu’il avait proféré des critiques contre
le régime nazi. Ernst JÜNGER se sentit coupable de sa fin. En 1950, Ernst JÜNGER
aménagea dans la propriété de Wilflingen, qui avait appartenu à une branche
de la famille STAUFFENBERG. Le jardin abritait la tombe d’Ernstel, qui était
toujours fleurie.
Quelques
mois plus tard, les Alliés approchaient de Kirschorst. En tant que commandant
du « Volksturm » de la
ville, il fit en sorte que ses miliciens ne se sacrifiassent pas dans un vain
combat en les convainquant de rendre les armes.
LE « PACIFISTE »
Au
sortir de la guerre, Ernst JÜNGER refusa de se soumettre aux procédures de dénazification,
puisqu’il avait toujours réprouvé le régime nazi. Soudain, il devenait un
auteur décrié, voire dénigré, surtout par les intellectuels marxisants et
ceux qui voulaient se donner une bonne conscience. Le silence de ses amis
parisiens le fit plus souffrir que les vociférations de ses ennemis. En
revanche, il apprit que Bertold BRECHT avait demandé à ses camarades
communistes de cesser leurs attaques contre lui. Certains de ses détracteurs
espéraient se faire bien voir en le critiquant, d’autres lui reprochaient son
essai « Le Travailleur »
dans lequel les nazis auraient puisé des arguments pour leur propre propagande.
La bassesse des premiers est évidente, l’irrationalité des seconds est
consternante. En effet, il s’agit du même procédé qui consiste à accuser
NIETZSCHE des méfaits du nazisme, en dépit de la chronologie[4].
A l’instar du philosophe de Sils Maria, JÜNGER détestait les idéologies de
masses comme le nazisme et il prônait plutôt une forme d’aristocratie, au
sens étymologique. Surtout, il n’a jamais professé d’idées racistes.
Il
fut interdit de publication jusqu’en 1949, aussi « La
paix », qu’il dédiait à la jeunesse d’Europe et du monde,
parut-elle clandestinement, à Amsterdam, en 1945. Cinquante ans plus tard, il déclara
« A mes yeux, le fruit le plus précieux
de ces deux guerres est mon essai intitulé « La paix » ; j’y
affirmais la nécessité d’une Europe unifiée, et aussi de l’Etat
universel.[5] ».
Le
texte ne verse pas dans l’universalisme hébété qui est trop fréquent chez
les pacifistes. Au contraire, JÜNGER emprunte un style poétique, aux accents
guerriers, pour prêcher la paix. En allemand, le substantif « Friede »
est de genre masculin. Selon l’auteur, le dernier conflit ne fut pas un
affrontement entre nations, mais une guerre civile mondiale (Weltbürgerkrieg)
qui forgea les peuples comme les cœurs. Ce fut la première oeuvre commune de
l’Humanité, la paix doit être la seconde. Pour la réaliser, il faut résoudre
trois problèmes fondamentaux : l’espace, parce que les Etats luttent
pour conquérir des territoires; le droit, car la concorde ne peut s’établir
qu’entre peuples libres ; enfin, la question du Travailleur, seule figure
capable de mettre la mobilisation totale, opérée pour la guerre, au service de
la paix. Maintenant que les frontières sont ébranlées par le séisme,
survient le moment propice pour que les peuples s’unissent en de vastes
ensembles géopolitiques. L’Europe ne peut être dominée par ses deux
avatars, les Etats-Unis et la Russie Les Empires (Imperien)
instaureront en leur sein une unité dans la diversité. A l’intérieur de
l’Empire, chacun sera libre d’appartenir au peuple qu’il désire. Le
nouvel Etat réconciliera les deux formes de la démocratie, la libérale et la
totalitaire. Sous l’égide de l’Etat totalitaire, seront placés les aspects
qui relèvent de la civilisation : la technique, l’industrie, l’économie,
la défense. Tandis que les domaines culturels seront régis par le pouvoir libéral
: la langue, l’histoire, les coutumes, les lois, les arts et la religion.
L’ordre nouveau se fonderait sur une théologie postnihiliste et l’Etat
n’accordera sa confiance qu’aux individus qui croient en une raison supérieure
à l’homme (que JÜNGER voyait dans un retour au sacré...).
L’EQUILIBRE DES FORCES : HELIOPOLIS (1949)
« Héliopolis » transpose en partie l’atmosphère qui régnait
au Quartier général allemand à Paris et les luttes de pouvoir entre la
Wehrmacht et les nazis, dans un univers où l’Etat universel s’est réalisé.
Dans la cité d’Héliopolis, deux pouvoirs s’affrontent; d’une part le
proconsul, que sert le héros, l’officier Lucius de Geer; d’autre part, le
Bailli, un tyran démagogue qui assoit son pouvoir à la fois sur la force, la
crainte et la technique. Le maître des basses oeuvres du bailli, l’inquiétant
Messer Grande, est d’ailleurs passionné par le progrès sous toutes ses
formes et particulièrement par les travaux du docteur Mertens, qui dirige l’Institut
de Toxicologie, où, dit la rumeur, on empoisonne les opposants. Lucius s’énamoure
de Boudour Péri, la nièce d’un commerçant Parsi, un peuple persécuté.
Ceux-ci sont bientôt les victimes du Bailli. Au travers du martyr des Péri, JÜNGER
dénonçait la persécution des Juifs. Lucius sauvera Boudour et son oncle
Antonio au péril de sa vie, puis ils s’exileront dans les astres, le domaine
d’une troisième force, le Régent, qui correspond soit à la sphère
religieuse soit à une sagesse supérieure qui protège la liberté de
l’individu.
A
la fin de « Falaises de marbre »,
le mal triomphait ; dans « Héliopolis »,
un précaire équilibre des forces s’instaure. A nouveau, la résistance est
menée par un groupe aristocratique de militaires. A la fin du roman, le pilote
du vaisseau spatial, Phares, déclare à Lucius : « Nous connaissons votre position - celle de l’esprit
conservateur qui a voulu se servir des moyens révolutionnaires et a échoué ».
JÜNGER constate l’échec de son engagement politique et se tourne vers la sphère
(symbolique) du sacré.
LES APORIES DU REBELLE (1951)
Dans
« Le traité du Rebelle ou le recours aux forêts » (Der
Waldgänger), Ernst JÜNGER dessine une nouvelle de ses figures. Le mot « Waldgänger »
désigne le proscrit islandais du Haut Moyen Age scandinave qui se réfugiait
dans les forêts. Exclu de la communauté, ce réprouvé pouvait être abattu
par tout homme qui le croisait. Pour sa part, JÜNGER définit le Rebelle de la
manière suivante : « Nous
appelons ainsi celui qui, isolé et privé de sa patrie par la marche de
l’univers, se voit enfin livré au néant. Tel pourrait être le destin d’un
grand nombre d’hommes, et même de tous - il faut donc qu’un caractère
s’y ajoute. C’est que le Rebelle est résolu à la résistance et forme le
dessein d’engager la lutte, fût-elle sans espoir. Est Rebelle, par conséquent,
quiconque est mis par la loi de sa nature en rapport avec la liberté, relation
qui l’entraîne dans le temps à une révolte contre l’automatisme et à un
refus d’en admettre la conséquence éthique, le fatalisme. A le prendre
ainsi, nous serons aussitôt frappés par la place que tient le recours aux forêts,
et dans la pensée, et dans la réalité de nos ans[6] ».
Au
début de son essai, l’auteur dénonce le système de plébiscite pratiqué
sous les dictatures, mais nous sentons bien que les reproches adressés à ces
caricatures d’élections ou de référendum s’appliquent également au
scrutin dans les démocraties parlementaires. Le Rebelle rejette la société
moderne, qu’il considère comme totalitaire, quelle que soit la forme de
gouvernement. A l’inverse du Travailleur, il refuse la nécessité et combat
la technique qui mène le monde à sa perte. Néanmoins, il ne renonce pas entièrement
aux instruments modernes dont il a besoin pour préserver sa liberté. Son
attitude paradoxale rappelle celle des deux frères de « Falaises
de marbre ». En effet, comment combattre le Mal en utilisant les mêmes
outils et méthodes que lui ? En revanche, le Rebelle peut se réfugier dans les
forêts que tout homme porte en lui : l’art et la pensée. Les apories du
Rebelle apparaissent, lorsqu’il doit traduire en actes sa révolte intérieure...
Sur ce point, le Rebelle ressemble à Lucius de Geer qui connaît une apothéose
spirituelle en se réfugiant dans les domaines du Régent, mais qui, au niveau
politique, est un vaincu. JÜNGER a beau souligner que les régimes totalitaires
sont fragiles, parce qu’ils doivent mobiliser l’essentiel de leur énergie
dans la répression d’une minorité de résistants, cet accès d’optimisme
ne convainc guère le lecteur. Ni Lucius, ni le Rebelle, ni l’auteur lui-même
ne peuvent rester indifférents devant la douleur d’autrui, mais ils se
privent des moyens nécessaires pour combattre les bourreaux. Reste qu’avec « Héliopolis » et « Le
traité du Rebelle », Ernst JÜNGER se départit de la philosophie
contemplative et du retrait intérieur qu’il avait prôné dans « Falaises
de Marbre », pour affirmer la nécessité de la résistance.
« Eumeswil » achève le cycle de métamorphoses des figures jungériennes.
Maintenant vient l’Anarque, qui est une figure affinée du Rebelle. Le héros
et narrateur du roman, Vénator, est un historien qui axe ses recherches autour
d’une vision cyclique de l’Histoire, dont il traque les figures pérennes,
les archétypes de personnages ou d’événements, au moyen d’un ordinateur
gigantesque, le Luminar, qui contient tout le matériel historique accumulé par
les hommes. L’auteur adopte d’ailleurs le style qu’il prête à
l’historien, fait de phrases courtes et incisives. Le soir, Venator officie
comme barman du cercle privé de Condor, le dictateur habile et esthète qui règne
sur Eumeswil, une des cités-Etats nées de la désagrégation de l’Etat
universel. Son bar est un poste privilégié pour observer les jeux du pouvoir.
Au contraire de l’anarchiste, l’Anarque ne désire pas supprimer l’autorité,
il s’en accommode et apprend à vivre en son sein, tout en préservant sa
liberté d’esprit. Le Rebelle fuyait la société, l’Anarque s’insère en
elle. « L’anarchiste vit dans la dépendance
- d’abord de sa volonté confuse, et secondement du pouvoir. Il s’attache au
puissant comme son ombre; le souverain, en sa présence, est toujours sur ses
gardes (...) L’anarchiste est un partenaire du monarque qu’il rêve de détruire.
En frappant la personne, il affermit l’ordre de la succession. Le suffixe
« isme » a une acception restrictive : il accentue le vouloir
aux dépens de la substance (...)
La contrepartie positive de l’anarchiste, c’est l’Anarque.
Celui-ci n’est pas le partenaire du monarque, mais son antipode, l’homme que
le puissant n’arrive pas à saisir, bien que lui aussi soit dangereux. Il
n’est pas l’adversaire du monarque, mais son pendant.
Le
monarque veut régner sur une foule de gens, et même sur tous ; l’Anarque
sur lui-même, et lui seul.. Ce qui lui procure une attitude objective, voire
sceptique envers le pouvoir, dont il laisse défiler devant lui les figures -
intangibles, assurément, mais non sans émotion intime, non sans passion
historique. Anarque, tout historien de naissance l’est plus ou moins ;
s’il a de la grandeur, il accède impartialement, de ce fond de son être, à
la dignité d’arbitre[8] ».
Dans
plusieurs oeuvres de JÜNGER, nous trouvons l’opposition entre deux forces
contradictoires et le recours à une tierce puissance qui transcendent les deux
premières. Les deux frères de « Falaises
de marbre » affrontent le Grand Forestier, puis se réfugient chez
leurs anciens adversaires d’Alta-Plana. Dans « Der
Friede », l’Etat totalitaire et l’Etat libéral engendrent
l’Empire. A Héliopolis, la lutte entre le Proconsul et le Bailli est dépassée
par le recours au Régent. Avec « Eumeswil »,
le conflit semble neutralisé. Il existe bien une opposition au Condor, incarnée
par les libéraux, mais ils ne sont que de vains bavards réfugiés dans les
caves de la ville. Quant à l’Anarque, il ne ressent pas le besoin de lutter
contre la souveraineté, puisqu’il y participe à sa manière.
A
cent ans, lors d’un entretien en 1994, JÜNGER déclara, à propos d’HEIDEGGER,
que l’écrivain devait prendre ses distances par rapport à la politique, afin
de ne pas se laisser contaminer. Dégoût ou lassitude ?
CONSTANCE
Nombre
de critiques distinguent deux JÜNGER, celui de l’engagement politique et
celui de l’« émigration intérieure »,
comme si une brusque rupture avait scindé sa vie en deux morceaux. Nous voulons
au contraire souligner la continuité de sa pensée. Certes, elle a connu une
longue évolution qui le mène de l’engagement total du soldat et du
politique, jusqu’au détachement presque absolu. Pourtant, nous discernons
plusieurs caractéristiques constantes du personnage.
D’abord,
le recours au rêve et au voyage. Un lien étroit unit le Wandervögel
qui parcourait les champs au vieux sage qui se livrait aux chasses subtiles.
Durant toute son existence, il s’évada dans le domaine des songes. Sa quête
le conduisit même aux paradis artificiels des drogues. Son oeuvre est emplie de
notations oniriques et certains textes sont inspirés par des rêves. A plus de
cent ans, son émerveillement devant le monde était intact, ainsi que
l’atteste le doux sourire qu’il arbore en se penchant sur ses chers
insectes.
Son
éthique aristocratique a traversé le siècle. Malgré les épreuves et les
blessures, dont la plus cruelle fut la perte de son fils Ernstel, il conserva sa
rigueur morale et sa liberté d’esprit. Il resta toujours l’« anarchiste
prussien ». Malheureusement, l’aspiration à la pureté et
l’esprit d’indépendance, poussés si loin, interdisent souvent l’action
pratique et politique.
Ami
fidèle, il n’abandonna pas NIEKISCH, ni HEIDEGGER, bien qu’il n’approuvât
pas les choix politiques de ce dernier. Ayant horreur de la démocratie
parlementaire, il énonça sa pensée en refusant la polémique verbale. Esprit
libre, il refusa tout sujétion ou allégeance à un parti ou à un régime.
Anti-bourgeois, il développa sa personnalité au détriment de
l’individualisme.
La
rencontre avec la technique, force ambivalente, à la fois créatrice et
destructrice, marqua toute son oeuvre, d’« Orages
d’acier » à « Eumeswil ».
Le soldat l’affronta sur les champs de bataille, le Travailleur voulut la
dompter, le Rebelle la méprisait, finalement l’Anarque l’utilise.
Depuis
sa jeunesse, il conserva l’attitude détachée qui fait de lui un figure hiératique.
L’observateur impassible qui contemple les orages d’acier est le même qui
observe le Condor. Pourtant, il participait aux événements, mais son retrait
lui permettait peut être de se préserver de leur violence. Sa propre douleur
devient sujet d’étude, lorsque, au soir de la mort d’Ernstel, il écrit « Je
me demande ce qui pourrait encore m’atteindre ».
Que
dire de plus, sinon que, sans de tels hommes, l’Humanité n’éprouverait
plus aucun respect pour elle-même.
Fabrice BEAUR
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[1] Remarquons que, tout au long de sa vie, Ernst JÜNGER remit ses textes sur le métier.
[2] « Sur les falaises de marbre », XXVII.
[3] Idem, XI
[4] Selon le syllogisme tronqué : les nazis ont puisé dans les textes de NIETZSCHE et JÜNGER, donc NIETZSCHE et JÜNGER sont des nazis...
[5] Discours de réception à l’Escurial, 3 juillet 1995.
[6] « Le traité du Rebelle », XII
[7] « Eumeswil » est un jeu de mot subtil, signifiant à la fois la ville et la volonté, l’aspiration et le souhait (wil) d’Eumène, général d’origine grecque, qui, après la mort d’Alexandre, défendit les droits de son fils et héritier légitime contre les Diadoques.
[8]
Traduction de Henri
PLARD : « Eumeswil »,
p. 56-58 (Collection Folio, 1332)